Cette première partie trace une ligne chronologique à partir des origines du jeu fantastique, de sa mutation en Jeu de Rôle et de son développement consécutif, au Royaume-Uni, jusqu'à la parution de WFRP1 en 1986. L'examen n'est pas exhaustif, car certains jeux considérés "mineurs" n'y sont pas mentionnés, mais cette narration permet de commencer à faire apparaitre ce qu'englobe le mouvement B-OSR d'un point de vue historique, et les corrélations de WFRP1 avec ses prédécesseurs.
J'ai repéré 9 périodes qui me semblent circonscrire le sujet :
1971-1974, Chainmail et l'Original Dungeon & Dragons.
1975-1977, la période pré-White Dwarf.
1977, le début de l'ère White Dwarf.
1978, Reaper, le proto-Warhammer Fantasy Battle.
1982, l'âge d'or des Gamebooks UK.
1982, la revanche du JdR.
1983, Warhammer Fantasy Battle.
1984-1986, l'ère des 1ers JdR Médiévaux-fantastiques UK.
1986, Warhammer Fantasy Role Play.

1971-1974, Chainmail et l'Original
Dungeon & Dragons
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La couverture de la 1ère édition, en 1971 |
Dans les années 60/70s, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les jeux de guerre sur table avec des figurines sont un loisir auquel de nombreux adeptes s'adonnent. Parmi eux , Gary Gygax et Jeff Perren créent Chainmail : Rules for Medieval Miniatures, dont les dernières pages de l'ouvrage permettent de simuler des batailles fantastiques, notamment celles du Seigneur des Anneaux. Le jeu de batailles s'ouvre alors à de nouvelles thématiques : armes magiques, sortilèges et créatures mythiques.
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Greyhawk et Blackmoor vont être les deux premiers suppléments à l'Original Dungeons & Dragons |
Conquis par cette innovation, Dave Arneson va adapter les règles de Chainmail à un jeu de batailles pour figurines de sa propre création où se mêlent déjà des éléments fantastiques personnels, des inspirations de l'univers du Seigneur des Anneaux, des aventures de Conan, de la littérature Gothic Horror, du feuilleton télévisé Dark Shadows, ainsi que des emprunts à d'autres jeux (notamment Braustein, de David Wesely). Il forme ainsi le légendaire Blackmoor. Chaque joueur incarne un personnage en coopération avec celui des autres, et tous évoluent au fur et à mesure des parties et des explorations de périlleux donjons et souterrains. On ne parle pas encore de jeu de rôle, mais ces idées le préfigurent.
En 1972, Dave Arneson présente son Blackmoor à Gary Gygax. Celui-ci étoffe les règles et conçoit ainsi la campagne de Castle Greyhawk. Finalement, leurs échanges fertiles conduisent à donner corps aux 3 premiers tomes constitutifs de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Original Dungeons & Dragons (Donjons et Dragons), que TSR publie en 1974.
A la même période, au Royaume-Uni, c'est également par le truchement du Seigneur des Anneaux que le Lincoln Order of Necromancers, formé par Rick Priestley, Richard Halliwell (les futurs créateurs de Warhammer Fantasy Battle) et leur groupe de joueurs habituels, font évoluer leurs jeux de batailles historiques vers la fantasy en se servant des éléments de règles fantastiques édités par le Wargames Reseach Group et les figurines Minifigs de la gamme Mythical Earth (en 1973, c'est une des premières gammes de figurines fantasy disponible dans le commerce au Royaume-Uni). Le corps de règles qui va ainsi se développer préforme le jeu de batailles fantastiques Reaper qui sera édité en 1978.

1975-1977, la période pré-White Dwarf
Alors qu'aux Etats-Unis Gary Gigax & co continuent à fourbir leur armes pour s'apprêter à envahir le reste de la planète, dans les îles Britanniques, on continue généralement à s'affronter en de terribles batailles sur table.
Concomitamment, Rick Priestley, Richard Halliwel, Bryan Ansell et Tony Ackland, des noms que l'on associera à Games Workshop, jouent aux jeux d'escarmouches du Skirmish Wargames Group (Colonial Skirmish Wargames - 1972 - et The Old West Skirmish Wargames - 1974 -) où l'action s'individualise sur des personnages particuliers qui progressent dans des suites d'aventures dirigées par une narration.
Ainsi, lorsque Dungeons & Dragons arrive au Royaume-Uni en 1975, la mutation du jeu de batailles vers les principes généraux du JdR s'y est déjà opérée de façon informelle. A sa suite, quelques joueurs/éditeurs vont de même poser sur papier leurs propres règles et façon de jouer. Ces productions sont moins des velléités d'imitation de Dungeons & Dragons qu'une volonté de participer au phénomène collectif que devient le JdR à la fin des 70s.
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Le livre de base de Bifrost |
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La couverture de Heroes est illustrée par John Blanche |
En 1979, Heroes de Dave Millward est un JdR historique qui se déroule dans les Âges sombres du Moyen Âge.
A l'image de l'évolution de Chainmail, Heroes est un contexte de règles pour jouer les missions particulières de personnages choisis dans une armée. Le processus de création de Heroes continue toujours au Birmingham Wargames Club, où il a vu le jour. Heroes a été republié en 2012.
Cependant, malgré la préséance de ces deux jeux, aucun ne peut réellement s'attribuer la paternité du JdR fantastique britannique.

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Le trio originel de Games Workshop - Ian Livingston, John Peake, Steve Jackson - |
Quelques années avant cela, dès 1975, Steve Jackson et Ian Livingstone créent Games Workshop dans la vague intention de vivre de la vente de jeux traditionnels en bois et de leur passion plus générale pour le jeu sous tous ses aspects. Pour cela, ils forment une communauté d'amateurs de jeux de société, de stratégie et de jeux de batailles autour de leur fanzine Owl & Weasel. A ses débuts, la société Games Workshop n'est pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui. Leur énergie est certaine. L'avenir, cependant, l'est moins.
Au mois de juin de cette glorieuse année, les deux comparses découvrent l'existence de Dungeons & Dragons. Ce jeu d'un genre nouveau les fascine énormément, quoiqu'ils n'arrivent pas à saisir la manière d'y jouer.
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Steve Jackson évoque pour la 1ère fois Dungeons & Dragons dans cette chronique du Owl & Weasel n°5 de juin 1975 |
"Les Tabletoppers auront certainement noté l'actuelle popularité du jeu de batailles fantastiques jaillissant de l'intérêt que portent beaucoup de wargamers pour la science fiction et la fantasy. Minifigs produisent une série de figurines fantasy en métal, et les règles sont disponibles dans de nombreux endroits. Donjons et Dragons n'est pas exactement un jeu de société - il se joue avec des stylos, du papier et des dés, mais les combats et les mêlées peuvent être simulés avec des figurines. Bien que je n'y ai pas encore joué, j'ai regardé une partie la semaine dernière au City University Games Club, et j'ai été fasciné. Un Maître de Jeu est nécessaire pour inventer son propre labyrinthe de donjons, et poster ses monstres visqueux diaboliques et/ou des coffres d'or pour chacun . Il marque sa carte à l'échelle sur un papier à carreaux et est également responsable des lancers de dès (lesquels déterminent si un son est entendu à travers une porte du donjon, si une créature à l'intérieur se réveille, le niveau de gravité des blessures, etc.). Les joueurs prennent les rôles de guerriers, de magiciens ou de prêtres et partent aveuglement à l'intérieur des donjons, ne voyant seulement que ce que le maître de jeu leur décrit. Plus d'informations quand j'y aurai joué, à moins que quelqu'un a envie d'écrire une review à ce sujet..."
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Steve Jackson et Ian Livingstone, très fiers de présenter Dungeons & Dragons |
L'année suivante, en 1976, Steve Jackson et Ian Livingstone se rendent aux Etats-Unis pour la convention du GenCon où se réunissent les quelques pionniers du JdR naissant. Ils y rencontrent son maître de chœur, Gary Gygax, et réussissent à obtenir les droits exclusifs de distribution pour toute l'Europe de certains de ces jeux, dont en première ligne celui de Dungeons & Dragons.

1977, le début de l'ère White Dwarf
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Le premier White Dwarf de Juin/juillet 1977 |
En 1977, le magazine White Dwarf remplace Own & Weasel. L'intention est de toucher un public plus large. Les jeux traités sont Dungeons & Dragons, mais aussi Chivalry & Sorcery et Empire of the Petal Throne, qui en sont des dérivés, ainsi que du contenu pour des univers médiévaux-fantastiques génériques. C'est dans cette matrice prodigue où l'esprit Britannique s'infuse dans des univers préexistants que va commencer à se constituer une culture UK fantastique propre !
Quand, en 1978, le contrat d'exclusivité avec TSR arrive à son terme et n'est pas résigné, Steve Jackson et Ian Livingstone doivent trouver une offre de remplacement à Dungeon & Dragons dans leur magazine. En 1980, Games Workshop acquiert donc les droits pour éditer la 2éme version du JdR RuneQuest, un autre JdR états-unien, mais c'est surtout grâce à l'essor des Gamebooks, appelés Livres Dont Vous Etes le Héros chez nous, que vont se créer les premières univers médiévaux-fantastiques Britanniques.

1978, Reaper
le proto-Warhammer Fantasy Battle
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La couverture de la 1ère édition |
Comme il a été dit plus haut, ces deux copains d'école qui vouent un intérêt aux jeux de batailles historiques vont rapidement y instaurer des éléments fantastiques grâce à l'attrait du Seigneur des Anneaux, fascination à laquelle rien ne peut échapper dans le jeu fantastique à partir des années 60s. Leur fantasy est toutefois mâtinée d'une science-fiction inspirée par les écrivains Philip José Farmer, Michael Moorcock et d'autres qui produisent de la fiction spéculative à cette époque.
Avant que Dungeons & Dragons arrive au Royaume-Uni en 1975, les deux comparses ont déjà fait évoluer leur style vers le jeu d'escarmouche et le combat individuel auquel ils incorporent des éléments volatiles de JdR qui laissent la part à l'improvisation.
L'univers propre à Warhammer n'émerge pas encore dans Reaper, si ce n'est par l'adoption du système percentile ainsi que certaines autres règles qui seront reprises pour Warhammer Fantasy Battle, puis plus tard, pour WFRP1, ainsi que la présence de mutants et du Chaos dans le scénario pour la 2éme édition, Attack of the Fungoid Troll (1981).

1982, L'âge d'or des Gamebooks UK
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Dungeon of Dread et Goblin Lake, les 1ers tomes de gamebooks pour Dungeons & Dragon et Tunnels & Trolls |
Cependant, en 1982, conscients du fait que l'apprêté des règles de Dungeons & Dragons ne permet pas aux novices de vivre une expérience fantastique satisfaisante, ainsi que de la difficulté de s'approprier tous les livres nécessaires à la menée d'une partie, TSR proposent des aventures jouables solitairement avec la série Endless Quest. Tunnels & Trolls, un concurrent des premiers temps qui permet une alternative fantastique moins onéreuse que Dungeons & Dragons, avait fait de même dès 1979 avec la série Pocket Adventure.
RuneQuest de Chaosium propose également des aventures solitaires éditées dans les suppléments SoloQuest. Il en est de même pour la compagnie d'édition Judges Guild pour Dungeons & Dragons (Tower of Indomitable Circumstance en 1981) et Advanced Dungeons & Dragons (Dragon's Hall en 1981).
En spectateurs intéressés par le succès retentissant des gamebooks chez les jeunes lecteurs transatlantiques, Steve Jackson et Ian Livingstone de Games Workshop présagent qu'il s'agit de l'évolution naturelle au jeu fantastique. C'est ainsi qu'en 1982, en se basant sur les aventures de Tunnels & Trolls, ils coécrivent The Warlock of Firetop Mountain (Le Sorcier de la Montagne de Feu), qui , en plus d'être le premier tome de la longue série à succès des Fighting Fantasy (Défis Fantastiques), en est certainement le plus emblématique. L'aventure s'apparente à un Dungeon-Crawler à la Dungeons & Dragons, agrémenté des nombreux travaux que Games Workshop ont développés dans leur magazine White Dwarf.
A titre personnel, ce n'est pas le premier LDVELH que j'ai eu entre les mains. Je ne sais plus s'il s'agit de La Sorcière des Neiges ou du Temple de la Terreur, mais mon préféré est assurément le Labyrinthe de la Mort.
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La Couronne des Rois, que je n'ai jamais pu terminer, me faisait rêver avec ses 800 paragraphes et sa superbe couverture |
En 1983, Steve Jackson, en solo, commet Sorcery ! (Sorcellerie !), qui est dérivé des Figthing Fantasy.
La série est plutôt destinée à un lectorat plus adulte, en regard aux thèmes abordés, et d'un système de magie novateur qui oblige le joueur à connaître les formules pour effectuer les sortilèges.
Toutes les illustrations de ces 4 tomes légendaires sont dessinées par John blanche.
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La photo iconique du génie au travail |
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Mon tome chéri du Gouffre Maudit ! |
Initialement, l'univers de Lone Wolf n'est qu'un contexte géographique à un jeu de wargame. C'est la découverte de Dungeons & Dragons qui va conduire Joe Dever, à développer une grande campagne et à vouloir incarner son monde dans un JdR qui lui est propre. Les tractations avec Steve Jackson et Ian Livingstone de Games Workshop ne vont cependant pas le satisfaire. L'énorme travail d'élaboration du Magnamund va ainsi se concrétiser tout au long des nombreux tomes de la série du gamebook.
Les aventures trépidantes de Loup Solitaire ont laissé une trace sentimentale indélébile dans le cœur et l'imaginaire de ses jeunes lecteurs dont je faisais partie. Je crois pouvoir dire que c'est le 4ème tome, Le Gouffre Maudit, qui m'a permis de connaître mon premier émoi pour la chose fantastique. Je me rappelle encore avec fébrilité la découverte de ce livre étrange dans la libraire familial. L'image de ce chevalier tranchant l'appendice dont on ne sait quelle infâme créature dans une gerbe de sang produit encore un sentiment invincible chez moi !
La série des 4 tomes de The World of Lone Wolf (Astre D'or) écrit par Ian Page (Joe Dever est mentionné, mais il n'en est que son éditeur) n'a pas eu le même succès que celle de Lone Wolf dont elle partage pourtant l'univers. Les aventures du sorcier Grey Star se déroulent dans l'empire Shakine, à la partie sud-est du Magnamund.
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L'amour vache |
J'ai toujours beaucoup aimé cette série de LDVELH, différente de toutes les autres à tous les points de vue, mais je dois avouer ma frustration devant la difficulté de certaines aventures. J'ai gardé un souvenir douloureux de la lecture du tome Les Portes de l'au-delà et de l'exploration très mortelle du château avec la rencontre aléatoire de ses monstres errants.
Les 4 tomes de Sagas of the Demonspawn (Loup Ardent), publiés en 1984 et 1985, forment l'autre série de gamebooks de J.H Brennan. Fire Wolf le barbare, armé de sa terrible épée-démon Exterminator, doit libérer le royaume de Harn de la Horde des Démons. Ici, le ton contraste avec la jovialité des GrailQuest. L'intention littéraire est également plus ambitieuse et l'univers médiéval-fantastique plus proche de celui de Conan le Barbare, teinté d'occultisme. Il est également plus sombre que la plupart des autres séries de gamebooks de cette époque.
Publiée en 1986/87 au Royaume-Uni, cette série de 6 tomes qui ont la particularité commune de pouvoir être joués à deux joueurs, se déroule dans l'univers des Fighting Fantasy. C'est en fait la réunion de deux séries : Double Game de Simon Farell et Jon Sutherland, et Fighting Fantasy : Clash of Princes, de Andrew Chapman et Martin Allen.
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Avec sa boite et ses deux livres, Clash of the Princes a été le seul Fighting Fantasy jouable à deux. Dans la version originale UK, les dessins de couverture sont de John Blanche |
Quelques autres séries proposent des aventures jouables à deux. C'est notamment le cas de Combat Heroes, de Joe Dever, qui propose un duel entre les deux joueurs.
La série des 6 gamebooks Golden Dragon (Dragon D'Or) de Dave Morris, Oliver Johnson et Yve Newnham, publiée de 1984 à 1985, est conçue par les éditeurs Grafton Books (connus pour avoir édité de nombreux livres de Michael Moorcock) comme un potentiel concurrent à la série Fighting Fantasy avec laquelle elle a néanmoins des similitudes. Les illustration intérieures de Léo Hartas, Mark Dunn et Russ Nicholson sont magnifiques et apportent un réel avantage à cette série.
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Les illustrations Old School British de Léo Hartas ont un pouvoir fantastique aussi évocateur que celles de John blanche ou Russ Nicholson |
En 1987/88, les mêmes Dave Morris et Oliver Johnson écrivent les 5 tomes de la série Blood Sword (L'Epée de Légende) dont les aventures ont la particularité de se dérouler dans le même univers que celui du Jdr Dragon Warriors (Terres des Légendes) paru 2 ans plus tôt (on en parle plus bas). Blood Sword offre la possibilité de former une équipe de plusieurs personnages. La richesse de ses règles, empruntées à celles du JdR, lui donne également un point notable. Les illustrations sont l'œuvre de Russ Nicholson, les cartes de Geoff Wingate (c'est lui qui a réalisé celles de Pelinore).

1982, la revanche du JdR
L'engouement originel suscité par les premiers JdRs ne faiblit cependant pas durant l'essor des gamebooks. En effet, le phénomène Dungeons & Dragons continue inexorablement sa conquête des jeunes esprits en quête d'aventures et d'imagination, notamment au Royaume-Uni.
Malgré son nom, il s'agit d'un JdR dans lequel l'univers fantastique, riche de l'héroic-fantasy anglo-saxonne, ne trahit pas la véracité du monde médiéval européen. Malheureusement, les règles des combats et de la magie sont trop complexes et obscures pour permettre au jeu de recevoir une réception positive. Il ne sera suivi d'aucun supplément ou aventure.
En dépit de l'effort éditorial de ce Fantasy Wargaming et consorts (Dungeons & Dragons existe depuis de nombreuses années), le JdR n'en reste pas moins énigmatique pour les non avertis. Tellement que ce phénomène de culture mainstream qui commence à passionner la jeunesse est fustigé par une certaine frange puritaine de l'Amérique (la fameuse "panique satanique" des années 80s). Toutefois, la demande des joueurs est de plus en plus pressante et de nombreux livres qui expliquent comment y jouer sont publiés.
Au Royaume-Uni, les éditions Penguin Books (ce sont eux qui publient les Fighting Fantasy) commandent à Ian Livingstone un jeu de rôle introductif à ce genre de jeu novateur. 1982 voit donc la publication de Dicing With Dragons, an Introduction to Role-Playing Games. Ses règles, relativement sommaires, reprennent celles des Fighting Fantasy. De nombreuses illustrations de Russ Nicholson sont extraites du gamebook The Warlock of Firetop Mountain, qui est publié la même année.
Dans la même veine didactique, Puffin Books (qui est la branche jeunesse de Penguin Books) publie What is Dungeons and Dragons ? par les auteurs de la série de gamebooks Cretan Chronicles (Les Chroniques Crétoises).
1983, Warhammer Fantasy Battle
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La couverture de la boite avec le légendaire Harry the Hammer de John Blanche |
1983 est l'année de parution de la première version de Warhammer Fantasy Battle, nommée Warhammer, The Mass Combat Fantasy Role-Playing Game de Richard Priestley et Richard Halliwell, plus Bryan Ansell qui est le gourou de Citadel Miniatures.
Elle se compose de trois livres illustrés par Tony Ackland. Le Vol.1 : Tabletop Battles contient les règles, le Vol.2 : Magic, comme son nom l'indique, s'intéresse au système de la magie, et le Vol.3 : Characters, concerne la gestion des personnages.
Bien qu'il s'agit encore d'un jeu de stratégie avec des figurines, la mention Role-Playing Game se justifie selon ses auteurs par l'introduction d'un système de développement des personnages grâce à des points d'expérience qui permettent d'accroitre leurs statistiques. Il est certes cacochyme, et a été jugé négativement par la critique de son temps, mais il concrétise l'évolution annoncée dans Reaper, élaboré 5 ans plus tôt par les mêmes auteurs.
L'introduction du Vol.3 Characters montre qu'il ne s'agit pas d'un détail mais bien d'une intention caractérisée.
"Ce tome introduit l'idée du jeu de rôle d'un personnage dans une campagne pour le système Warhammer. Simplement, les aventures sont mises en scène avec la participation de chaque joueur qui joue le rôle de leur personnage dans la campagne. L'application la plus courante de cette méthode étant que chacun des joueurs prend le rôle d'un ou d'un groupe d'aventuriers. Le personnage que joue le joueur est alors mentionné comme le "personnage-joueur".
Une grande attention est donnée aux personnages-joueurs, qui sont définis selon le plus de détails possibles par rapport à la majorité des autres personnages. Des règles additionnelles sont données pour permettre au personnage de progresser et avancer. Ainsi, quand le personnage-joueur survit et remporte des succès dans chaque aventure, il/elle devient un combattant ou un magicien plus compétent et puissant. Dans une campagne d'aventures, les combats restent importants, mais le fil conducteur du jeu est étendu pour couvrir les interactions des personnages-joueurs avec l'environnement, leurs prises de décisions et leur connaissance du monde."
Le jeu va se développer au fur et à mesures des différentes publications de Games Workshop (Les Compendium Citadel et le magazine White Dwarf) et le supplément Forces of Fantasy qui arrive l'année suivante (1984) pour développer le système et corriger quelques erreurs. C'est dans le livre 3 de Forces of Fantasy que s'esquisse un début de géographie du monde en introduisant différentes races d'Humains mais l'action du jeu se déroule encore dans un univers médiéval-fantastique générique.
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Le Forces of Fantasy est annoncé avec l'humour potache propre aux 80s dans le White Dwarf n°51 de mars 1984 |
La 2éme édition de Warhammer Fantasy Battle arrive en 1984, un an seulement après WFB1. Etant donné qu'elle apporte peu de modifications, on peut la concevoir comme une "mise à jour" qui clarifie et incorpore des éléments des ouvrages précités. Elle se compose également de 3 livrets qui détaillent les règles du combat, de la magie et un bestiaire. C'est la première version a être traduit en francais, par Agmat-Citadel.
C'est dans le Vol.3 Battle Bestiary qu'est présenté le monde qui sera commun avec WFRP1 : le Know World. Ce Know World est le résultat d'un ensemble hétéroclite d'informations plus ou moins disparates, car élaboré selon des besoins particuliers à chaque publication antérieure.
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Et voici enfin le Monde Connu qui nous apparait ! La carte générale du Know World dans le Battle Bestiary de WFB2. |
Alors que les illustrations fantasy génériques présentes dans WFB1 semblent empruntées à celles de Dungeons & Dragons, Tony Ackland, John Blanche et Gary Chalk vont parvenir à imposer son empreinte graphique au monde de Warhammer. Je crois pouvoir dire que c'est cette marque artistique qui a profondément conditionnée mon amour pour Warhammer.
Les nombreux bâtiments en carton à assembler présents dans les divers suppléments (ils sont initiés dans le Spring Journal 1985 avec la Archaic Abodes) donnent aussi son aspect graphique désuet et décrépis au Old World. Ils sont dessinés par Dave Andrews, qui a collaboré à de nombreux réalisations pour Games Workshop, Warlock - l'autre magazine de Games Workshop -, Out of the Pit, Clash of the Princess, d'autres gamebooks Fighting Fantasy, et The Warlock of the Fire Mountain dont le plateau de jeu est magnifiquement illustré.
Tout ces bâtiments seront rassemblés en 1988 dans le supplément Warhammer Townscape qui permet de construire un véritable village Old World Old School .
L'apport de WFB2 au monde de Warhammer ne se limite cependant pas qu'à son aspect visuel singulier, aussi pregnant soit-il. Dès 1985, alors que s'élaborent les mini-campagnes pour cette 2eme édition, Rick Priestley et Richard Halliwell, soutenus par le dessin de Tony Ackland, travaillent à l'écriture de la maquette de WFRP1, qui doit sortir durant l'été 1985. Ainsi, leur travail et celui des créateurs des différentes mini-campagnes pour WFB2 vont s'alimenter de concert. Leur hybridation est visible dans plusieurs publications à cette époque mais le cas le plus significatif de ce mouvement est The Web of Eldaw qui parait dans The Good Games Guide 1 (décembre 1985), un magazine de Games Workshop pour introduire de nouveaux joueurs aux jeux de la société. L'action se déroule en Albion, comme The Tragedy of McDeath, et quelques règles semblent prétester les règles de combat de WFRP1, le système de compétences, des points d'Expérience et de Folie.
Toutefois, à ce stade de son élaboration, il semble que le destin de WFRP1 ne soit pas encore entendu. Initialement prévue comme une adaptation ou un supplément pour WFB2 développant de manière significative le jeu de rôle tel que Richard Priestley et Richard Halliwell l'ont imaginé dès WFB1, sans toutefois y parvenir de manière satisfaisante, cette partie RolePlaying va s'étayer jusqu'à donner l'opportunité de créer un jeu à part entière.
Les publications pour cette 2ème édition vont être d'une très grande qualité.
Blood Bath and Orc Drift (aout 1985) : les deux comparses Gary Chalk, Joe Dever, associés à Ian Page, sont mandatés par Games Workshop pour créer 4 scénarios dans lequels sont certainement incorporé certains travaux pour Lone Wolf et pour y incorporer des figurines Citadel de Bryan Ansell. Les illustrations de Gary Chalk évoquent en effet le monde de Lone Wolf.
Le royaume de Ramalia, au nord-ouest du New World, peuplé par une colonie de Old Wordler, ne sera pas repris postérieurement dans la géographie du Know World.
Le manuel "The Riding" décrit 54 PnJs au background agréablement développé, ce qui développe le coté JdR dont Games Workshop se targue de donner à son jeu de bataille depuis WFB1. Parmi ceux-là, se trouvent quelques unes des carrières typiques à WFRP1, par exemple le Pilleur de tombes et le fameux Ratier.
Terror of the Lichemaster (janvier 1986) : Cette mini-campagne est écrite par Rick Priestley et illustrée par Gary Chalk, Dave Andrews et Ian Miller (pour la boite). Ce supplément est sous titré Arcana Architecture Village Pack Two car il permet de créer des bâtiments cartonnés dessinés par Dave Andrews. L'effroyable nécromancien Heinrich Kemmler fait sa première apparition. L'action se déroule dans la région de Frugelhorn Valley qui est située dans les Black Moutains.
Vengeance of the Lichemaster (mars 1986) : cette aventure éditée dans le Third Citadel Journal Spring 86 est le 4ème scénario pour Terror of the Lichemaster. La carte générale qui situe les lieux inscrit davantage l'action dans le Old World. Les localisations de la Bretonnie, Quenelles, the Princes (les Principautés Frontalières), la Loren Forest, Nuln et Helmgart sont posées. Elles correspondent grossièrement à celles que présenteront WFRP1. Cet ensemble d'aventures servira à Carl Sargent et Graeme Davis pour l'écriture de la campagne Lichemaster pour WFRP1 en 1990.
The Tragedy of McDeath, écrit par Richard Halliwell, est le dernier supplément qui sort en cette prolifique année 1986 pour la deuxième version de Warhammer Fantasy Battle. C'est un recueil de 4 scénarios plus, une nouvelle fois, une suite nommé Glen Woe dans le numéro 75 de White Dwarf de avril 1986. Cette fois ci les évènements se déroulent dans la partie Est de l'ile septentrionale de Albion.
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L'illustration pour la couverture du guide du Maitre de jeu est encore un incroyable travail de John Blanche. |
1984-1986, L'ère des 1ers JdRs médiévaux-fantastiques UK
Au même moment que l'élaboration de Warhammer, qui débute donc dès 1983, plusieurs jeux de rôles médiévaux-fantastiques voient le jour. A part quelques exceptions, leurs créateurs sont des intervenants à Games Workshop et sont influencés par les productions du magazine White Dwarf et des précitées.
En 1984, est publié Fighting Fantasy - The Introductory Role-playing Game, le JdR créé à partir des séries des gamebooks Fighting Fantasy et Sorcery !
Il s'agit bien d'une initiation qui permet au jeune public des gamebooks de s'initier à la pratique du JdR dans un contexte de règles proche de celui développé dans les séries Fighting Fantasy et Sorcery !. Le contenu est sommaire, mais les suppléments ultérieurs vont lui donner un peu plus de profondeur : Out of the Pit, compile le bestiaire des différentes créatures rencontrées dans les 2 séries jusqu'en 1985. Titan - The Fighting Fantasy World (modestement sous titré The Ultimate Guide to the Fighting Fantasy World - No adventurer should be without it! The Ultimate Fighting Fantasy Handbook !), décrit Titan, le monde commun à la plupart des aventures des Fighting Fantasy. The Riddling Reaver, en 1986, est une campagne de 4 aventures pour jouer dans le monde ainsi développé.
Maelstrom, un autre JdR médiéval-fantastique, est publié en 1984, également par Puffin Books, et toujours sous la forme d'un livre à couverture souple. Alexander Scott, son jeune auteur (il n'a que 16 ans au début de la création de Maelstrom) qui évolue en dehors du giron de Games Workshop, le conçoit comme une expérience moins onéreuse que Dungeons & Dragons, et plus simple que Tunnel & Trolls. Le jeu prend place dans le Royaume-Uni du 16ème/17ème siècle, quoique le système prévoit la possibilité de l'adapter à d'autres époques ainsi qu'à d'autres lieux. Les combats se veulent réalistes dans le fait qu'ils sont sauvages et que les blessures qu'ils occasionnent sont longues à soigner. La seule touche fantastique est apportée par la présence de la magie, qui émane d'un vortex énigmatique - le Maelstrom - dans lequel les magiciens puisent leur pouvoir. L'originalité de l'absence de système de magie et d'un catalogue de sortilèges laisse une grande opportunité aux joueurs et une belle part d'improvisation au MdJ. Malgré ses originalités, Maelstrom n'a pas reçu un grand succès, majoritairement parce qu'à cette époque, les éditions Puffins/Penguin soutenaient principalement la gamme Fighting Fantasy et son JdR.
En 1985, Standard Games publie Dragonroar, un JdR aux règles suffisamment claires et simples pour convenir aux débutants, mais néanmoins très orientées par la résolution de combats et l'exploration de donjons. L'intérieur de la boite sous laquelle le jeu est présenté contient des plans de jeu et des figurines en cartons. La présence d'une cassette qui introduit le jeu et sert de MdJ à l'aventure est une innovation très originale.
C'est aussi en 1985, que Dragon Warriors (Terres de Légendes) voit le jour. Ses auteurs, Dave Morris et Oliver Johnson contribuent au magazine White Dwarf depuis 1983.
Bien que les 6 tomes qui le composent se présentent sous le format des livres-jeu , dans le but de profiter du succès des LDVELH, il s'agit bien d'un JdR. Son univers Médiéval-fantastique est une réminiscence des premières moutures de Dungeons & Dragons (le Basic/expert set) quoique plus sombre, doté d'une ambiance plus british et articulé par une mécanique de règles bien plus appréhensibles pour les jeunes joueurs auquel il semble être destiné. Les deux premiers livres, Dragon Warriors et Way of Wizardry, contiennent l'ensemble des règles de base, tandis que les 4 autres compléments apportent des additions de règles, de classes, de background, ainsi que des aventures. Les illustrations sont le fait de l'omniprésent Russ Nicholson, de Bob Harvey - qui a œuvré dans Out of the Pit pour Fighting Fantasy The Role-playing Game et plusieurs gamebooks des Figthing Fantasy -, et d'Alan Cradock - qui participe également à l'illustration des Figthing Fantasy et des White Dwarf -.
Dragon Warriors ne semble pas avoir rencontré un franc succès en France, à cause, je pense, de cette similarité d'apparence qui a peut-être créé la confusion chez les jeunes acheteurs dont j'étais. Cependant, le jeu reçu un accueil très favorable au Royaume-Uni. Il jouit toujours d'un certain succès et est encore pratiqué par une grande communauté de fans dans son pays (A l'instar de L'Œil Noir, en Allemagne).
1986, Warhammer Fantasy Roleplay
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